Des rideaux blancs qui obéissent au vent plutôt qu’à ma main et imitent le ciel poudreux. Une mer de nuages à perte de vue au dessus de nos têtes ; il va encore pleuvoir aujourd’hui. Comment combler le vide ? Faire taire le silence ? C’est quelque chose de triste et d’inévitable, jour après jour, cette chute sans bruit dans l’ennui. J’aimerais remonter à la surface, peindre un sourire sur mes lèvres – toucher les tiennes. J’aimerais…

Ah. Soudainement, la solitude – comme une insulte. Plutôt une gifle.

Le silence est devenu pesant tout autour. Musique ! J’aimerais des rires, cela fait si longtemps qu’on n’en entend plus par ici. Musique ! Peu m’importe si je chante ou je déchante, tant que le silence cède enfin sa place. Le sol sous mes pieds est froid, blanc comme le ciel. Quelques notes en couleur pour égayer tout ça ? Même pas ?
… Ah, ça n’a pas marché, et je ne peux pas m’enfuir. Cela fait si longtemps que j’ai perdu la clef. J'aimerais penser à autre chose, oublier que je continue à tomber.
Le monde, lui, continue de tourner au dehors. Ici, drôle de cérémonie : le roi Silence couronne la Solitude et la prend pour reine. Ma reine à moi est tellement loin là-bas… quelle ironie que d'être assujettie ici alors que je n'accepte que son règne à elle. Le temps m'aura affaiblie. Une mer de vide à perte de vue, comme celle des nuages, s’étend au delà de la porte verrouillée – pourquoi me soucier d’une clef, sais-je seulement encore nager ? Personne pour m’apprendre, m’aider à renverser mes souverains. Il n’y a pas de révolte sire, pas la moindre révolution !
Non. Mes lèvres sont encore scellées. Pas de résignation, je sais que mon heure viendra.
Il pleut déjà ? Pourtant le ciel n’est même pas gris et les gouttes ne font pas de bruit en tombant. J’aimerais plutôt voir un arc-en-ciel. Oh, montre-moi comment c’est là-bas ! Je me lasse encore, j’ai peur à force de devenir transparente et froide comme le verre. A force de ne rien faire, de laisser le temps passer à travers.
Tes yeux à toi sont pleins de couleurs. Je n’aime plus le blanc ; aveugle-moi de couleurs, assourdis-moi de paroles ! En étant là, simplement là, tu serais ma révolution. La reine que je placerai sur le trône des souverains déchus, adieu Silence et Solitude. Belle, habille-toi de l'arc-en-ciel quand tu viendras ici, nous empêcherons le blanc de troubler ton règne.
J’ai peur du temps mais je suis patiente. Autant qu’il le faudra. Je saurais le faire en temps venu, n'est-ce pas ? Briser le verre. Car à mesure que passent les jours, je me demande...
Ne serais-tu pas ma clef ?